Un week-end en Transition

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18 et 19 Octobre 2017 : ce qui au départ devait être un week-end de formation à la Transition, s’est transformé en un moment de partage d’expériences, d’approches et d’outils pour organiser la Transition près de chez soi. Voici un résumé de ce petit week-end Gersois qui pourra en inspirer d’autres.

Attendus pour midi dans la grande demeure de la famille de Marie-Pierre, les participants sont arrivés de tout le Sud-Ouest. Au total 7 localités étaient représentées et plus d’une quinzaine de personnes ont fait le déplacement : Toulouse, Sète, Plaisance-du-Touch, la Gironde, Salies (du Béarn), Brax et Rabastens (du Tarn). La démarche, initiée par Toulouse en Transition, a été de réunir des acteurs et actrices de la Transition dans un rayon de 400 km autour de Toulouse pour un week-end hors de la ville sans trop de déplacement pour chacun.

Le programme du samedi après-midi a été le suivant :

  • Jeu des Systèmes
  • Carte mentale* de la Transition
  • Tour de table
  • Cartes ingrédients

(* ou “Mind Map” pour les franglais mais nous avons banni les anglicismes pour réfléchir avec des mots locaux !)

… et celui du dimanche sur le mode d’une discussion ouverte dont les thèmes ont été définis par l’ensemble des participants la veille ou le matin même :

  • Comment initier la Transition chez soi ?
  • Partage d’activités pédagogiques
  • Comment contrer l’effet Donut* ?
  • Outils numériques
  • L’accueil et le renouvellement
  • Avoir un lieux ou pas ?
  • Bilan du week-end

(* situation où plus personne ne prend part à la coordination)

Le menu n’était pas écrit mais chacun y est allé de sa spécialité locale à manger ou à boire et nous n’avons manqué de rien !

Le Jeu des Systèmes

Le jeu a pour objectif de faire ressentir la notion de complexité. Avant d’en expliquer la règle, 2 personnes sont désignées comme “observatrices” et quittent la salle. Ensuite la règle est expliquée aux autres participants. Celle-ci est très simple : chacun choisit dans sa tête 2 personnes et, une fois que tout le monde a fait son choix, chacun doit se placer à égale distance des personnes choisies. Les personnes dites “observatrices” rejoignent le groupe et doivent deviner la règle qui animent les déplacements des participants.

L’application de la règle conduit le groupe à bouger sans cesse et d’une manière qui peut sembler complètement chaotique bien que certains phénomènes de blocage puissent apparaître de manière plus ou moins cyclique. La tâche de retrouver la règle est quasiment impossible pour les personnes “observatrices” aussi il convient d’arrêter le jeu à un moment donné pour partager son ressentie de l’expérience.

Outre sa dimension ludique et pédagogique, le jeu est aussi un moyen de briser la glace entre des personnes qui ne se connaissent pas encore.

La carte mentale de la Transition

Qu’entendons-nous par Transition ? Comment en parlons-nous ? En veillant à prendre la parole tour à tour, chacun a pu s’exprimer sur le sujet librement. Voici quelques pensées :

  • Introduction à l’histoire du mouvement celle de Rob Hopkins, ses constats et problèmes liés à la raréfaction à venir du pétrole.
  • Que font-les pouvoirs publics / élus ? Ils semblent peu alertés : la prise de conscience vient des citoyens à travers des initiatives qui la font remonter vers la sphère politique.
  • De quoi as-t’on besoin pour être heureux ?
  • Nous sommes reliés / faire ensemble / prendre conscience de son pouvoir d’agir / ne pas réfléchir en terme de privation / la culpabilité ne marche pas.
  • Relocalisation, résilience, ré-économie : ce sont des solutions à appliquer concrètement mais souvent des habitudes freinent leur mise en oeuvre.
  • Comment agir à grande échelle ?
  • Transmission et éducation pour s’adapter aux problèmes qui vont nécessairement arriver.
  • Valoriser ce qui est déjà réalisé car parfois des personnes vont déjà dans le sens d’une transition sans le savoir.
  • Faut-il accélérer la transition ? Est-ce contradictoire avec les idées qui l’animent ?

 

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Tour de table

À Toulouse l’initiative s’est organisée par quartier (7 en tout) et fait le lien avec de nombreuses associations comme Alternatiba, les Colibris, Soliday, … Ils manquent de monde mais étaient présent en nombre pendant le week-end.

À Sète le groupe, représenté par Stéphane, s’est divisé en actions qui ont désormais pris leur envol mais un manque de coordination entre les actions se fait sentir notamment pour accueillir et intégrer de nouvelles personnes pour aider sur des pôles tels que la communication.

À Plaisance-du-Touch il n’y a rien encore mais Françoise et Carlos ont la volonté de recréer un lien qui a disparu entre les habitants.

Pour la Gironde Pascal nous a fait état de 14 groupes répartis sur le territoire où tout sortent d’initiatives (AMAP, Café Bricol’, Tiers-Lieux, …) convergent avec le temps.

À Salies (dans le Béarn) le groupe est fédéré autour d’un jardin et entretient de très bonnes relations avec la mairie (au risque parfois de se faire “piquer” les actions). Un marché des producteurs locaux a eu un gros succès malgré une météo catastrophique. La sauce prend !

À Brax les élus ont initié un groupe de travail sur les énergies durables mais Elodie constate un essoufflement et souhaite constituer une association pour que le projet se réaffirme en marge de considérations politiques peu constructives.

À Rabastens (dans le Tarn) un collectif important s’est mis en place depuis bientôt 2 ans. Une fête de l’économie locale s’organise le 24 et 25 novembre 2017 mais cette effervescence ne doit pas non plus masquer les difficultés qu’ont certains sous-groupes pour mener à bien leur mission : un essoufflement se fait sentir, peut-être dû à une dispersion.

Cartes ingrédients

Kitty a animé un atelier basé sur un outil permettant de faire le point sur une initiative, savoir ce qui a déjà été fait et ce qui peut rester à faire. Présenté sous forme de cartes “ingrédients” classées en 5 catégories (“Démarrer”, “Approfondir”, “Connecter”, “Construire” et “Oser rêver”), cet outil pédagogique s’utilise ainsi :

  • choisir une personne pour raconter toutes les démarches entreprises pour la mise en oeuvre d’une initiative au sein d’un commune.
  • répartir les cartes entre les autres personnes qui l’écoutent et, quand elles pensent qu’une carte correspond à ce qui est relaté, posent la carte en question.

Quand la personne a fini son explication, les cartes restantes en main sont dévoilées et viennent souligner certaines démarches / postures qui n’auraient peut-être pas encore été réalisées. Cela permet aussi de réaliser que beaucoup a déjà été fait !

Deux exemples ont été exposé : celui de Brax et de Rabastens (cas de la fête de l’économie locale).

 

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Comment initier la Transition chez soi ?

Pascal a rappelé quelques étapes et exposé des outils pour lancer une dynamique à l’échelle d’une commune. Au départ il y a un contexte, des envies et des personnes qui souhaiteraient engager un tissu local dans une démarche de transition. Une première étape est de créer une série d’événements public à différents endroits du territoire pour élargir le noyau et récupérer des contacts mails (la projection du film Transition 2.0 suivi d’un débat est un bon exemple mais il n’y a pas que ça). Une fois qu’une cinquantaine de personnes est intéressée par la démarche, Pascal a pour habitude d’organiser un Forum Ouvert pour faire émerger les envies ainsi que 2 ou 3 actions concrètes à mener sur un court terme avec des personnes motivées pour en coordonner la mise en oeuvre. Ensuite Pascal a insisté sur l’importance de se réunir chaque mois pour faire le point sur l’avancé des actions.

À noter que les élus ont de plus en plus tendance à se joindre aux discussions à titre de citoyen. Si dans certains cas on peut y voir un opportunisme politique, c’est aussi un formidable appuie qui facilite le dialogue avec des services techniques par exemple.

Partage d’activités pédagogiques

Arbre des problèmes et des solutions

Marie-Pierre nous a fait part d’une activité qui aide à énoncer et visualiser les causes, les conséquences, les objectifs et les actions à mener pour résoudre un problème donné.

Le dispositif comprend 2 supports sous forme d’arbre sur lesquels chacun peut y coller/suspendre des propositions. Le premier arbre prend ses racines dans les causes et déploie ses feuilles sur les conséquences d’un problème inscrit au niveau du tronc. Le deuxième arbre part des objectifs pour aller vers des actions à réaliser pour résoudre le même problème.

Outre l’aspect visuel qui peut attirer le regard quand il est placé dans l’espace public, la lecture des propositions peut aider à mieux comprendre la complexité d’un problème, les multiples facteurs qui mènent à un problème et les nuisances qu’il engendre. Conscient de cet état de fait, des idées de solutions peuvent poindre et certaines habitudes être amenée à changer. On peut animer cet atelier lors de repas de rue ou dans des réunions dédiées.

 

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Fronton des engagements

Autre dispositif présenté par Marie-Pierre qui propose aux passants de choisir ou de proposer un engagement même petit qu’ils promettent de tenir pour un période donnée. L’activité s’accompagne d’un livret où sont notés des idées d’engagements parmi lesquelles choisir. L’intérêt est multiple puisqu’à la lecture des engagements les personnes découvrent parfois des actions dont ils n’avaient jamais entendu parlé, réalisent que s’engager peut être sur des choses simples, pour son bien être tout autant que celui des autres. Quand ce sont des élus qui s’engagent, il est important de convenir d’un rendez-vous pour suivre la réalisation.

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En guise d’exemple, voici le livret des engagements édité par Toulouse en Transition :

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Comment contrer l’effet Donut ?

Lorsque tout le monde est concentré sur son action dans la transition et que personne ne participe plus à la coordination, une initiative peut s’effriter de l’intérieur. Une première remarque est que cet effet est plus la conséquence d’un succès mal géré qu’un véritable échec en soi. Cela rejoint aussi des problématiques de renouvellement des effectifs et parfois il y a moins de monde motivé : c’est normal et il faut savoir attendre.

Cependant, si le problème persiste ou devient récurrent, une solution peut être d’organiser les réunions mensuelles là où les projets qui mobilisent les énergies se font. Cela redonne de l’intérêt pour la réunion mensuelle puisque les gens qui l’accueillent constatent généralement que le simple fait d’exposer leurs problèmes du moment à d’autres est souvent générateurs de solutions. Au final il faut toujours que ça soit un plaisir de venir et non une contrainte.

Parfois les initiatives engagées dans la transition peuvent voir plus large et initier la convergence d’autres initiatives locales et ainsi renouveler les contacts et opportunités de faire avancer le schmilblick dans son ensemble !

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Les outils numériques

Ce point n’était pas prévu à l’ordre de la matinée et pourtant quand il a été soulevé il y avait un réel soulagement à pouvoir parler des nombreux problèmes que génèrent la gestion des listes d’adresses électroniques. Comment adresser un courriel concernant telles ou telles actions seulement aux personnes concernées sans inonder les boîtes de tout le monde ? L’outil de travail collaboratif Trello a été exposé par Théo. Cependant il met en garde contre une utilisation prématurée d’un tel outil qui peut aussi faire peur à des personnes peu familiarisée avec le numérique.

Autres outils mentionnés : module NewsLetter pour WordPress, module Post-it et la plateforme HelloAsso (pour gérer les adhésions, de la billetterie, de la vente en ligne, …) et aussi Framasoft pour l’édition de documents en mode collaboratif.

Il y a un réel besoin de formation à des outils numériques en adéquation avec une gestion horizontal des projets. L’univers informatique regorge d’outils adaptés à cela mais il faut être confronté aux problèmes avant de bien en comprendre l’utilité.

L’accueil et le renouvellement

Alex nous a partagé son expérience à ce sujet. Il lui semble très important de ne pas se décourager dans la tâche de trouver de nouvelles personnes car cela peut être très ingrat. Par contre, quand de nouvelles personnes se présentent, il a insisté sur le soin qu’il fallait apporter à leur accueil en désignant une personne référente pour l’organiser et le fait d’y consacrer du temps (en amont d’une réunion par exemple).

La question du sacro-saint tour de table a été abordé : le faire ou pas ? Certains coupent la poire en deux et proposent aux anciens de se présenter succinctement tandis qu’un temps plus grand est accordé aux nouveaux pour préciser ce qui les intéressent dans la transition et pourquoi ils sont présent à la réunion.

Alex a rappelé l’importance de mettre en valeur ce qui a été fait concrètement pour attirer de nouvelles personnes qui parfois voient dans le discours de la transition des positionnements abstraits et idéologiques. Par ailleurs il incite grandement à faire le point pour lister des besoins précis afin de communiquer sur les compétences recherchées : certaines personnes souhaitent s’engager sur des actions claires et concises plutôt que sur un projet dans son ensemble.

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Avoir un lieu ou pas ?

Si avoir un lieu propre au collectif pour se réunir semble contraire à l’idée de s’intégrer dans le tissu local existant, avoir un lieu de rencontre habituel et souvent ouvert est un avantage pour permettre des échanges spontanés et hors cadre. Au final le bar, la brasserie ou le café culturel sont des endroits propices à cela. Nous avons mentionné la notion de tiers-lieux qui, en marge des institutions, par une la libre circulation des idées et des personnes favorisent les rencontres et la diversité des propositions.

Bilan du week-end

La fin de cette rencontre a été l’occasion d’expérimenter un outil de libération de la parole : le bocal à poisson. Pour mettre en place un bocal, il faut 4 chaises dont une restera toujours vide. Les personnes sont autour des chaises et si quelqu’un a quelque chose à dire il lui faut s’asseoir sur l’une des chaises libres (sauf la quatrième) et attendre qu’au moins une autre personne vienne s’asseoir pour commencer à parler. Une fois qu’elle a terminé elle s’en va et la personne qui reste doit attendre qu’une autre personne vienne s’asseoir avant de commencer à parler. Le dispositif, infini par nature, crée une grande écoute et a favorisé l’expression de nos ressentis après tous ces échanges très riches humainement.

Le sujet central du bocal a été la mise en place d’une réunion annuelle pour renouveler ce retour d’expériences sans que cela ne nécessite une coordination lourde et  contre-productive. Ces rencontres donnent un horizon nouveau à un engagement qui peut se déliter face au quotidien, créent du lien et renforcent la logique de mise en réseau. La question de savoir si nous reviendrons au même endroit ou si nous irons dans les villes en transition reste ouverte. Gérard a exprimé sa frustration de ne pas entendre tout le monde, de voir des personnes en retrait dans les débats : il trouve important de favoriser l’expression de tous même s’il peut comprendre que certaines personnes ne soient pas à l’aise pour s’exprimer à l’oral.

En conclusion nous laissons la parole à Jacotte qui à propos de ce week-end et de son déroulement a dit : “Ce qui est formidable avec ces rencontres autour de la transition, c’est qu’on a l’impression que les gens agissent comme s’ils se connaissaient depuis 10 ans !”.

Références

Quelques références recueillies lors du week-end :

  • “L’entraide, l’autre loi de la jungle”, Pablo Servigne, Gauthier Chapelle
  • “L’art d’être libre”, Tom Hodgkinson
  • “Laudato Si’”, encyclique du pape François
  • “Le travail qui relie”, Yohanna Macy
  • “Permaculture”, Xavier Matthias
  • “21 histoires de transition”
  • “Des clics de consciences”, film sur les pétitions en ligne
  • Conférence gesticulée sur la Transition, Gwennyn Tanguy

 

 

  1. Kitty de Bruin

    Merci Théo!
    bien présenté et un grand Merci à Marie Pierre et tous et toutes d’échanger des idées, des expériences et des histoires, c’était très riche. A suivre…